SURVIE : L’APNEE DES CITRONS

De toutes les nécessités vitales de notre corps, on peut dire que la respiration tient la première place. Et pourtant, un homme a involontairement défié cette loi pendant près de 30 minutes. Aujourd’hui, nous allons découvrir l’histoire de Chris Lemons pour qui la Mer du Nord a bien failli être “le dernier terrain vague”… Prenez une grande inspiration et suivez-moi.

Comme vous le savez peut-être, Mama Pitch a de nombreux péchés mignons : la sauce roquefort, l’ail en chemise, Chris Hemsworth, la course en sac et… les histoires de survie.
Je suis toujours fascinée par ceux qui, comme Manuel Valls, ne lâchent pas le morceau.
Leurs récits sont toujours fascinants et nous en apprennent toujours plus sur la nature humaine lorsqu’elle est confrontée sans prévenir à une mort imminente. 

Nous allons donc aujourd’hui nous pencher sur le cas de Chris Lemons, un plongeur-scaphandrier qui s’est accroché à la vie aussi fort que les Balkanys à la mairie de Levallois-Perret.

PLONGÉE À SATURATION

La plongée à saturation est un type de plongée en grande profondeur pratiqué par des professionnels pour des raisons diverses et variées : exploration d’épaves, recherches scientifiques sous-marine, travaux maritimes, pétroliers et industriels.
Le principe est assez simple : Les plongeurs passent l’intégralité de leur mission dans un caisson hyperbare aménagé et effectuent leur descente directement de celui-ci.
Pourquoi ? Pour éviter aux plongeurs de devoir respecter de long paliers de décompression de 4 à 5 jours entre chaque descente et permettre au corps de gérer la pression des profondeurs.
On l’utilise beaucoup pour la maintenance des oléoducs.

Embarquons donc sur le “Topaz”, un navire de 120 mètres de long pour 20 mètres de large. Un beau bébé, doté d’un équipement de navigation de pointe et du fameux système de saturation composé d’une station hyperbare (d’une pression équivalente à 10 fois la pression atmosphérique) et d’une cloche pour transférer les plongeurs dans les grands fonds.

Exemple de système de saturation

Nous sommes le 18 septembre 2012 en plein milieu de la Mer du Nord à 127 miles marins d’Aberdeen, et certaines installations pétrolières ont besoin d’être remplacées.
L’équipe qui devra réaliser ces travaux se compose de 12 plongeurs et 2 médecins.
Ils descendront par groupe de 3 : deux plongeurs et un “Bell-man”. 
Le Bell-man est l’homme désigné pour rester dans la cloche, surveiller les équipements, et doser le cordon ombilical des scaphandriers. 
Ce fieffé cordon porte d’ailleurs très bien son nom, car il est le seul lien avec… la vie. 
Il transmet aux plongeurs l’oxygène nécessaire, l’eau chaude pour maintenir la température (et éviter de finir en glaçon pour le pastis tel un passager du Titanic), mais aussi lumière et communications.
Je crois que l’on peut donc dire sans se fourvoyer qu’il a une certaine importance.
Côté météo, la mer est certes agitée avec une houle à 5 mètres et des vents à 35 nœuds, mais pour les marins, rien d’exceptionnel en Mer du Nord.

DÉBUT DE MISSION

L’équipe prévue pour plonger aujourd’hui est composée des deux plongeurs : Dave Yuasa et Chris Lemons.
Duncan Allock, lui, est désigné “Bell-Man”. Ils seront tous les trois sous les ordres du superviseur de plongée qui fait la liaison entre le bateau et les plongeurs.


Vous vous doutez mes petits cannellonis à la banane que la cloche étant rattachée au navire, le capitaine doit faire preuve d’une grande dextérité pour rester sur sa position malgré les éléments. 
Mais pas d’inquiétudes ! Nous ne sommes pas sur un vieux rafiot et donc, le tout est commandé par le « DP » alias Dynamic Positionning, un système piloté par un ordinateur qui verrouille le navire sur un point précis, et ce grace à l’action groupée de deux GPS.
On est pas sur du matos de pécore.

Nos plongeurs amorcent donc leur descente. Chris et Dave font leur sortie à 20 heures 49, par 100 mètres de fond. La température extérieure est de 4° et le taux d’humidité à 100%.
Pas de bonne heure mais de bonne humeur.
La visibilité est souvent très mauvaise, alors ils tâtonnent un peu et finissent par trouver la structure sur laquelle ils doivent charbonner. 
Ils commencent gaiement leur besogne pendant que notre “Bell-Man” bouquine et que le superviseur leur indique la procédure en temps réel.
Au final c’est assez comparable à une sortie extra-véhiculaire dans l’espace.
Jusqu’ici tout va bien. Pour l’instant.

UNE COUILLE DANS LE FROMAGE

Pendant que tout ce petit monde s’affaire à alimenter le monde en or noir, Michael Cichorski, l’officier chargé du DP entend une alarme se déclencher. 
C’est une première et immédiatement, il transmet l’information au superviseur de plongée qui ordonne aux scaphandriers 100 mètres plus bas de retourner à la cloche pour y être en sécurité.
Dans la cabine de pilotage, tout va de mal en pis !
Le DP ne répond plus et les ordinateurs de sauvegarde en back-up sont eux aussi hors-service.
Du jamais vu ! L’informatique et l’automatisation, c’est l’avenir qu’ils disaient…


Le bateau, balloté par les éléments commence à prendre de la vitesse et s’éloigner de la cible, malgré les efforts du commandant et de son second qui tentent un positionnement manuel.
Si les plongeurs ne regagnent pas rapidement la cloche, la catastrophe sera inévitable.
Cela devrait aller, la procédure de retour est beaucoup plus simple, il suffit de suivre le cordon qui ramène à la cloche.
Dave entame son retour mais rapidement, il sent que Chris n’avance plus. 
Celui-ci informe de sa petite voix à l’hélium que son cordon s’est enroulé autour d’un affleurement et qu’il faut lui donner du mou.
Mais mon pauvre Chris, du mou il n’y en a pas plus que de poux sur la tête de Canteloup !
Le bateau s’éloigne et tend le cordon de Chris comme un string.
La pression est si forte que dans la cloche, le support en inox commence à se déformer.
Dave revient pour essayer de l’aider mais le bruit qu’il entend le tétanise, le cordon de Chris est en train de céder.
Arrivé à deux mètres de lui, le cordon de Chris se rompt et le propulse en arrière.
Dave n’y voit rien et ne peut malheureusement rien faire.
Chris est seul, dans le noir, sans cordon. Privé d’oxygène, de chaleur et de lumière, il devient malgré lui le nouveau Jacques Maillol.
Même si chaque plongeur est équipé de 2 petites bouteilles, reliées au scaphandre qui permettent de regagner la cloche en cas de problème, la durée de cet oxygène de secours n’excède pas 5 minutes !
L’équipage doit se bouger le fiacre et reprendre le contrôle du navire avant de pouvoir tenter une opération de sauvetage. Et vite !

PANIQUE A BORD !

C’est la cata, les officiers sont aussi paniqués que des confinés devant un rayon de PQ vide.
Cette situation étant une première dans l’histoire, on convoque tout le personnel pour un brainstorming éclair. Pendant ce temps, le superviseur de plongée fait sortir le ROV (un petit robot sous-marin accroché à la cloche) pour trouver Chris, cela fera gagner du temps. 
Ils finissent par le localiser sur la structure où il a grimpé comme le veut la procédure.
Il s’agit aussi de le rassurer et de lui faire comprendre qu’on ne l’abandonne pas.
Chris convulse, il est vivant. Mais pas pour longtemps…
A la surface, il est décidé de réinitialiser le DP à froid. Cela prendra du temps.
L’issue semble inéluctable. Cela fait déjà 22 minutes que le cordon a cédé.
L’équipe en est consciente, ils ne récupéreront pas Chris vivant, d’autant qu’il a désormais cessé de convulser et son corps ne bouge plus qu’au rythme des courants sous-marins…

« WINDOWS REDEMARRE VOTRE ORDINATEUR. CELA PEUT PRENDRE DU TEMPS »

Au bout de 27 minutes, on redémarre enfin avec succès le système DP.
Le bateau est de nouveau sous-contrôle et l’équipage rétablit la position aussi vite que possible.
Dave est toujours immergé à la cloche et trépigne d’impatience. Les coordonnées sont verrouillées et il reçoit enfin l’ordre d’aller chercher Chris. 
Il mettra malheureusement quasiment 7 minutes à le ramener, le corps de Chris n’étant plus qu’un poids mort.
Duncan le hisse dans la cloche et lui retire son scaphandre.
Chris est bleu et a cessé de respirer. Bon, c’était plus ou moins prévisible, après tout, Chris n’a pas de branchies.
Dans un dernier espoir mais sans grande conviction, Duncan lui administre deux insufflations.

ANNULEZ LE CERCUEIL !

Chris reprend sa respiration et dit à son compagnon qu’il va bien d’un signe de main.
Oui, donc c’est officiel. La mort est en vacances à St-Tropez.
L’information est aussitôt transmise au bateau et le médecin de l’équipe se tient prêt.
L’optimisme reste discret, beaucoup pensent que Chris présentera de graves séquelles cérébrales et qu’il faudra le rapatrier.
Une fois la cloche remontée, le médecin le met sous oxygène et s’emploie à le réchauffer. Très vite, il est interloqué par ce qu’il voit. Chris parle, et s’offre même le luxe de plaisanter !
Personne n’en croit ses yeux.
Très vite, il parle de son expérience, de sa peur et puis du lâcher-prise pour finir par s’endormir…
L’équipage n’en revient pas, Chris serait-il le nouveau « Monsieur Paul » ? (cf article Pitchbull)
Persuadés de devoir ramener un corps à sa femme, ils ont devant eux un Chris bien vivant qui demande quand se déroulera sa prochaine plongée.

UNE EXPLICATION S’IL VOUS PLAIT ?

A l’heure où j’écris ces lignes, personne n’a encore pu expliquer comment Chris a pu survivre aussi longtemps dans ces conditions extrêmes et sans oxygène.
Il semblerait que les deux bouteilles d’oxygène concentré alliées aux conditions de température ont joué un rôle majeur. 
L’oxygène concentré aurait saturé son organisme, et le froid ralentit son métabolisme permettant ainsi aux fonctions vitales de se maintenir à minima.
C’est littéralement l’illustration des expressions « une veine de cocu » ou encore « cul bordé de nouilles » !
L’aventure de Chris Lemons a suscité l’intérêt du monde scientifique et de tous les plongeurs du monde entier.
Un documentaire Netflix a même vu le jour sous le titre “Au bout du Souffle” que je vous conseille vivement.

Aujourd’hui Chris s’est marié, a fini de bâtir sa maison et plonge toujours avec passion pour gagner sa vie.

Ce premier pitch « formule été » est à présent terminé, vous pouvez regagner la surface et nager jusqu’à la côte.
Les liens de la semaine vous attendent, même s’ils ne sont pas nombreux, ils ont su montrer leur bravoure et leur dévotion pour vous apporter de petites pépites de savoir au caramel breton.
Car même l’été, se cultiver avec Pitchbull apporte oxygène, fraîcheur et lumière à tous les étages.

Jasmine.B (Place de parking N°9)


LIENS :

Bande annonce Documentaire Netflix :

Excellent documentaire avec témoignages des protagonistes.

Lecture :

Audio :

Vidéo :

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