En cette période caniculaire, Mama Pitch vous emmène à 6356 mètres pour découvrir l’incroyable légende de Joe Simpson. Outre la chance monumentale qui pourrait faire douter de la fidélité de sa femme, c’est un combat sans merci que se livreront pendant plusieurs jours l’alpiniste et la montagne.
A vos piolets, Mama Pitch vous catapulte sur le Siula Grande !
Votre Mama Pitch n’est pas ce qu’on pourrait appeler une grande sportive, c’est donc toujours intriguée que je découvre les histoires d’alpinisme extrême.
Voilà des gens qui sont prêts à affronter des douleurs qui feraient passer l’épilation du nez pour une caresse, pour poser leurs crampons sur les plus hautes cîmes du monde.
Mais, contrairement à celles de Jeff Bezos, ces ascensions nécessitent savoir-faire et maîtrise.
Comme la mort est prête à fondre sur eux aussi vite qu’un flic sur un dealer de shit, il est normal qu’on compte nombre d’histoires tragiques mais aussi de survies incroyables.
Bien, résumons : La haute montagne (>2500 mètres) c’est comme l’Australie.
Taux d’hostilité : 500 % .
Les températures, la météo, les crevasses, les avalanches, les rayons du soleil, mais aussi et surtout la raréfaction de l’oxygène en font un milieu pour le moins hostile.
En effet, au-delà de 7600 mètres de ce qu’on appelle (très originalement) “les hauts sommets”, existe “La zone de mort”.
Au-delà, le corps commence à souffrir cruellement du manque d’O2, ce qui entraîne quelques “légers” désagréments : oedème cérébral, déshydratation massive, fatigue, perte de fonctions cérébrales, confusion et épuisement.
MAIS
Il y fait frais.
SIMON & GARFUNKEL JOE
Simon Yates et Joe Simpson sont deux petits galopins des cîmes.

Ces britanniques, âgés alors respectivement de 21 et 25 ans, forment un duo de choc… à pic.
Ok, je sors… Mais pour sa défense, votre Mama Pitch a vu se liquéfier son cerveau lorsque la température a dépassé les 35°.
“On grimpait pour le plaisir […], on était anarchistes et irresponsables.”
Joe Simpson
Persuadés de leur réussite et désireux d’ouvrir de nouvelles voies, ils décident en été 1985 d’escalader un sommet des Andes péruviennes par la face Ouest encore vierge : Le Siula Grande.
“On se disait : Pourquoi on échouerait ? On est les meilleurs.”
Joe Simpson
Le problème, mes petits margoulins aux olives, c’est qu’en montagne, rien ne tue plus à coup sûr que le manque d’humilité et la confiance excessive.
En passant par Lima, ils recrutent un jeune globe-trotter du nom de Richard Hawking pour garder le campement de base. Il ne connaît rien à l’alpinisme mais qu’importe, la fiche de poste de gardien de tente ne requiert pas cette compétence.
Deux options s’offrent à nos intrépides grimpeurs :
- Le style “himalayen” : comprenant des camps intermédiaires et des cordes fixes, il permet de faire des allers-retours en cas de besoin. Ce style, plus prudent, a néanmoins un gros inconvénient : Il alourdit considérablement la charge des alpinistes, ce qui rend l’ascension plus lente et difficile
- Le style “Alpin” : Plébiscité par les puristes, il consiste à emporter le strict minimum et à faire ascension et redescente d’une seule traite avec des abris de fortune sous la neige en cas de besoin. Il n’y a donc pas de solution de repli.
Et devinez quoi ?
Ils choisissent l’option alpine et entament leur ascension qui va se révéler être un véritable cauchemar du début à la fin.
LA MONTAGNE, CA VOUS FÂNE !
Bon. On a vu que sur le plan physique, la haute montagne est une plaie.
Mais c’est aussi une épreuve de patience.
Si vous êtes comme moi, du genre à regarder la casserole de pâtes en l’insultant parce qu’elle prend son temps pour faire trois bulles, je vous déconseille vraiment l’ascension.
Sachez mes harengs au maroilles que pour réaliser deux tasses d’une quelconque boisson chaude, il faut près d’une heure.
Pour parcourir une distance de 300 mètres, une demi-journée…
Bref, revenons à nos deux copains.
Au soir de la première journée, “bien” calés dans leur abri, ils sont persuadés d’atteindre le sommet le lendemain.
SPOILER : Non.
Arrivés à 6240 mètres, la météo se dégrade.
Une tempête aussi furieuse qu’une Nadine Morano sous stéroïdes les contraint à stopper leur ascension.
C’est l’enfer. La neige gèle sur leurs vêtements au fur et à mesure ce qui les alourdit considérablement, des avalanches de poudreuse se profilent dangereusement et question visibilité, on est proche du zéro absolu.
Creusant un nouvel abri dans la neige, nos alpinistes attendent que ça se calme.
Au lever du jour, c’est reparti.
Leur plus grande crainte, c’est de tomber dans un cul-de-sac. Dans ces cas-là, comme avec de l’opium trop pur, la redescente est impossible.
Mais la chance est avec eux et ils atteignent le sommet tant convoité en début d’après-midi.
Youpi, youpi ! On se prend dans les bras, et on est contents de soi.
Je vous vois derrière votre écran.
Mama Pitch m’avait parlé d’une histoire incroyable et bon… remboursez !
Patience. En montagne comme en teuf, la plupart des accidents se produisent pendant la redescente.
L’altitude, la fatigue et l’excès de confiance poussé par la réussite rendent les retours redoutables.
4ème jour : c’est le drame.
En voulant repositionner un de ses piolets, Joe dévisse et chute du mur vertical.
A sa réception, il entend un léger crac…
Il vient de ne pas faire semblant de se péter la jambe.
Anatomiquement… C’est le bordel.
Sous l’effet de la chute, son tibia est venu pousser le fémur en explosant l’articulation, les os et désarticulant la rotule.
Oui. Aïe.
La douleur est insupportable et sa jambe ne le porte plus.
Je ne vous cache pas mes suricates au parmesan que cet accident équivaut à une condamnation à mort, aussi sûrement qu’être noir au Texas…
Simon comprend qu’il va devoir abandonner son copain s’il veut espérer survivre.
Bonjour l’ambiance.
Et c’est ici que commence la légende “Simpson et Yates”.
Contre toute attente, Simon a une idée pour redescendre son binôme.
Il va le treuiller en attachant leurs deux cordes de 45 mètres.
A plusieurs reprises, il descend donc Joe de 90 mètres sur les pentes du Siula Grande, avec une pause tous les 45 mètres afin de faire passer le nœud et raccrocher ensuite.
Ce qui vous pouvez me croire, est déjà un exploit en soi.
Mais je vous ai promis une grande bataille et malheureusement tout ne se passe pas comme prévu…
Alors qu’il descend Joe qui hurle de douleur car son genou, enfin ce qu’il en reste, rebondit sur la neige glacée (sinon c’est pas drôle), la pente commence à se raidir dangereusement.
Joe tente d’avertir son ami, mais une tempête s’est levée et rend ses cris aussi inaudibles qu’un discours de Francis Lalanne.
Et ce qui devait arriver… arriva.
Joe se retrouve à penduler à une corniche qui surplombe une énorme crevasse.
La corde n’est pas assez longue, le nœud ne passera pas et il est impossible de grimper à la corde.
L’épuisement et les mains gelées rendent vaine toute tentative.
Joe est suspendu et attend la mort, furieux de savoir que Simon va lui aussi y passer.
LES LIENS ROMPUS
Et bien pas si sûr.
45 mètres en amont, Simon est assis dans un baquet de neige qui commence à céder.
La tempête redouble de violence et sa vie ne tient plus à grand-chose.
C’est ici que commence le cauchemar de Joe.
Simon, acculé et sans options, sort son couteau et sectionne la corde reliant Joe à la vie.
C’est une chute de près de 65 mètres qui propulse Joe dans l’abîme de la crevasse prête à l’avaler.
Oui. 65 mètres, vous avez bien lu. Quasiment 15 étages.
Simon s’abrite et essaie de se reposer, assailli par le remords.
Joe qui a entubé la mort dans sa chute se réveille alors seul, dans cette crevasse où l’obscurité ferait passer n’importe quel poème de Baudelaire pour une comptine pour enfant.
Veinard dans son malheur, il est tombé à quelques centimètres d’un trou sans fond.
Persuadé de trouver le corps de Simon de l’autre coté de la corde, il s’aperçoit que le bout en a été sectionné.
D’abord en colère, puis résigné, la peur de mourir dans ce trou noir va néanmoins le pousser à tenter à trouver une issue à cette crevasse avec sa jambe en kit.
Mais pour cela, il doit descendre dans les profondeurs de cette montagne, qui, décidément, semble lui en vouloir personnellement.
Après 25 mètres de descente, il finit par trouver une sortie. Il rampe alors jusqu’à la lumière et parvient à s’extirper de ce piège mortel.
Entretemps, Simon a regagné le camp de base mais il ne va pas bien du tout.
Outre les brûlures et engelures, c’est avant tout le deuil et la portée de son geste qui le ronge.
Loin de s’imaginer que Joe est encore vivant, il souhaite prolonger son étape au camp de base avec Richard, histoire de se remettre les idées en place.
3… 2… 1… SURVIVEZ !
Joe est sorti, mais il n’est pas sauvé pour autant.
S’il a quitté les hauts sommets, ce ne sont pas moins de 30 kilomètres en terrain accidenté qui l’attendent.
Je vous rappelle qu’une de ses jambes ressemble à un meuble Ikéa…
Joe le sait, s’il veut survivre, il va devoir souffrir comme jamais.
Pour ne pas sombrer dans la folie et s’abandonner au désespoir, Joe décide de se fixer des objectifs horaires, ce qui lui sauvera la vie.
Il fabrique alors une attelle de fortune avec son matelas de mousse, se déleste de tout le matériel superflu et entame alors l’épreuve la plus difficile de sa vie.
Joe raconte qu’à cet instant, le temps est devenu son allié et son bourreau.
Oui, une sorte de mariage.
S’il atteint son objectif, il est euphorique.
S’il dépasse le temps fixé, il devient plus dépressif que Damien Saez.
En retrouvant la trace de Simon, il peut se repérer dans le dédale de pierres qui le maltraite.
Chutant encore et encore, Joe continue à sautiller sur un pied avec pour seul appui, son piolet de 60 centimètres. Il s’abreuve dans les flaques mais c’est loin d’être suffisant.
Mais au soir du 6ème jour, une terrible pensée lui traverse l’esprit : Simon et Richard ont dû mettre les voiles.
Dans ces régions reculées, les rencontres inopinées sont aussi rares que des gauchistes à Nice.
L’ombre de la mort s’étend un peu plus sur notre malchanceux Jojo.
C’est ainsi qu’il sombre un peu plus dans la folie où les moments de demi-sommeil se mêlent aux hallucinations auditives et visuelles qui commencent à émerger.
C’est plus particulièrement une chanson de Boney M que Joe entend partout comme un air sans fin, qui le pousse à avancer.
En effet, Joe, en homme de goût, refuse de mourir sur du Boney M.
Mais la résistance humaine a ses limites et Joe finit par s’effondrer dans un demi-coma et décide que le combat s’arrête ici.
Au bout de plusieurs heures, une immonde odeur d’ammoniaque lui assaille les narines et le sort de sa torpeur.
Il comprend alors qu’il s’est effondré dans les toilettes du camp de base.
A bout de forces, il appelle Simon de toutes ses forces dans l’immensité de la nuit.
Dans la tente, Simon entend un faible son… Richard pense que Joe vient les hanter.
C’est en cherchant fébrilement dans le noir que le faisceau de la frontale de Simon se pose sur le visage décharné et méconnaissable de Joe.
Le voilà sauvé.
Ses premières paroles sont pour Simon. Loin d’éprouver la moindre rancoeur, il le remercie d’avoir tenté de le descendre mais surtout qu’il aurait sans doute lui aussi, coupé la corde.
Simon lui répond qu’il ont brûlé ses affaires la veille dans une tentative d’hommage rituel… Décidément.
Joe est furieux… mais vivant.
Mais la souffrance n’en a pas fini avec lui. Avec pour seul antalgique de l’aspirine et ayant perdu près d’un tiers de son poids, il devra faire 2 jours de mule et des jours entiers de voyage pour que 11 jours plus tard, il soit enfin pris en charge dans un hôpital.
SUITES ET FIN
De retour en Angleterre, la médiatisation est colossale.
Joe est un héros, Simon un salaud.
Vivement critiqué pour avoir sectionné la corde, Simon Yates sera ostracisé au sein du milieu de l’alpinisme durant des années, et ce malgré le fait que Joe ait toujours pris sa défense.
Joe, traumatisé par l’expérience, décide d’écrire un livre « La Mort Suspendue » que Mama Pitch se glorifie d’avoir lu.
Un film documentaire éponyme sortira en 2003 où témoignent Joe, Simon et Richard.
2 ans et 6 opérations seront nécessaires pour que Joe puisse grimper à nouveau, ce qu’il fera jusqu’en 2000 où il assistera impuissant à la chute fatale d’une cordée sur l’Eiger.
Aujourd’hui, il se limite à l’écriture.
Ce pitch glacé touche à sa fin, Mama Pitch vous ramène au sol.
Nous espérons vous avoir rafraîchis avec la plus petite empreinte carbone possible.
Quelques liens n’attendent que vous au bas de cette page, n’hésitez pas à scroller en rappel jusqu’à eux.
Parce chez Pitchbull, c’est le cerveau qui doit chauffer… pas la planète.
Jasmine.B (Tueur à gages à St Ernestine de Louvois)
[NDLR] : Mama Pitch comprend qu’il est facile d’oublier de laisser un like, un mot et surtout de partager, mais pensez-y, ça fait plaisir, ça combat le découragement et fait rire les oiseaux, chanter les abeilles et briller le soleil.
LIENS
Lecture :
- Un témoignage de Joe Simpson sur le site Redbull.com : « JOE SIMPSON, L’AUTRE REVENANT«
- Un article de L’Obs : « Pourquoi les alpinistes de l’extrême montent si haut ?«
- Un récit d’ascension de 2 alpinistes français sur le site Barrabes : « Siula Grande: 1ª voie sur la face Est, par Max Bonniot et Didier Jourdain«
Audio :
- Un numéro de l’émission « Affaires Sensibles » de France Inter : « Suspendu à la mort : l’aventure de Joe Simpson et Simon Yates«
- Un podcast du site Altitude.news qui propose une série de récits pour découvrir l’alpinisme : « Chronique d’une ascension«
- La série de podcasts « La folie des hauteurs » sur France Bleu.
Vidéo :
- Une vidéo de la chaîne YouTube Cpcnw sur le retour de Joe et Simon sur les lieux pour le tournage du film (durée : 25 minutes) : « Éviter le contact – Retour à Siula Grande » (sous-titres générés automatiquement)
- Une série de vidéos sur l’histoire de l’alpinisme sur la chaîne YouTube « Style Alpin » (durées variables)
- Un documentaire sur la chaîne YouTube FKJ (durée : 1h30) : « Les Conquérants des Sommets«
- Un documentaire sur la chaîne YT Docu Channel (durée : 50 minutes) : « Aux frontières de la mort, les limites du corps humain«
BONUS :
Je vous laisse ici le trailer du film « La Mort Suspendue » réalisé par Kevin Mac Donald.
Si vous me dites qu’il ne vous donne pas envie de le voir, je ne vous croirais pas !