Commençons par une équation simple :

Certains petits futés savent de quoi je vais vous parler aujourd’hui…
Je vous vois, pas la peine de crâner.
Les autres… je vous entends d’ici :
« C’est arrivé… Mama Pitch a perdu une roue, elle ondule de la toiture, travaille du chapeau, yoyote de la touffe… » A-t-elle percuté un palétuvier ? A-t-elle tartiné son pain de peinture au plomb ?
Et bien… non figurez-vous !
Je vous l’accorde, il n’existe qu’un seul endroit au monde pour laquelle cette équation se révèle exacte : La célèbre « Maison Winchester ».

Avant de commencer, je tiens à vous prévenir qu’il sera question ici d’ésotérisme, de légendes, croyances surnaturelles et rumeurs…
Le but de ce pitch n’est assurément pas de statuer sur la véracité des faits, mais de s’étonner de ce que les humains sont parfois capables de créer par la puissance de leurs convictions.
Bien.
Ce petit pré-requis à la béchamel étant cuit, lançons nous à l’assaut de cette « étrange » maison.
Non. Démente, cintrée, désaxée seraient des adjectifs plus appropriés.
Et je vais m’employer à vous expliquer comment et pourquoi.
QUELQUES CHIFFRES :
Par où commencer ?
Une chose est sûre, c’est qu’on ne saurait la qualifier de bicoque ou de cabanon.
Madame fait tout de même 2230 m2…
La Maison Winchester c’est :
- 160 pièces (enfin 161, une nouvelle ayant été découverte en 2016)
- 10 000 carreaux de fenêtres et 950 « vraies » portes
- Plus de 1000 « fausses portes » (trompe-l’oeil, donnant sur des murs ou directement le vide…)
- 40 chambres, 6 cuisines, 2 sous-sols et salles de bal.
- 47 cheminées et 3 ascenseurs
Et à cet instant précis, je vous assure que je préférerais m’y retrouver seule que mal accompagnée. Si vous voyez ce que je veux dire…
Maintenant, petits fripons au cumin, je sais que votre esprit, empreint d’une soif inextinguible de savoir, se pose tout un tas de questions.
Qui ? Pourquoi ? Quel traitement contre les termites ? Pourquoi le perpétuel retour de Manuel Valls ? Qui était vraiment Jean Roucas ? Pourquoi le Segway ? Quand rouvriront les bars ?
Si certaines de ces questions n’obtiendront jamais de réponses, tentons au moins d’éclaircir le mystère autour de l’excentrique propriétaire : Sarah Winchester

LA MISSION DE SARAH
Sarah Winchester née Pardee en 1839, est l’épouse de William Winchester, fabriquant de la célèbre carabine « qui a conquis l’Ouest ».
[NDLR : et on ne va pas se le cacher, contribué au massacre d’un bon nombre de natifs américains, du moins avant l’arrivée de l’alcool…]
Au départ comblée par un bonheur marital sans accroc, Sarah va vite se révéler être un vrai chat noir.
Elle commence par perdre sa fille Annie à l’âge de 40 jours, victime du « marasme nutritionnel », une maladie qui empêche de synthétiser les protéines.
Oui, du coup, pour vivre c’est un peu problématique.
15 ans plus tard, elle perd son époux bien-aimé, victime de la tuberculose.
Veuve à seulement 42 ans, Sarah hérite alors de tous les biens de son mari et de 50% des parts de la « Winchester Repeating Arms Company », devenant ainsi milliardaire.
Mais tous les pauvres vous diront que l’argent ne fait pas le bonheur, et Sarah, en proie à une profonde dépression, se persuade alors que sa famille est victime d’une malédiction.
Petite précision historique : Il faut savoir qu’à la fin des années 1840, on assiste à la naissance de ce que l’on appelle « le spiritisme ».
Le phénomène des « tables tournantes », et autres conversations avec l’au-delà, est très en vogue parmi les membres de la bourgeoisie américaine… (Ne souriez pas trop vite, même si en Europe la vague spirite tarde à arriver, en France à partir des années 1855, cette « science » occulte suscite un engouement colossal… allant même jusqu’à inquiéter de nombreux ecclésiastiques.)
Bref, nombre de riches américains y consacrent des sommes colossales et organisent chez eux des séances de conversation avec les esprits, chapeautées par des médiums bien souvent autoproclamés.
Sarah, au fond du trou, sera donc une proie facile pour les charlatans de tous bords.
Riche certes, mais psychologiquement fragile, elle va placer sa confiance dans un célèbre médium dont l’histoire a judicieusement oublié le nom.
Il lui déclare alors (sans trembler des genoux) que sa famille est effectivement maudite et poursuivie par tous les morts victimes de la fameuse carabine à répétition.
Ici, on est en droit d’être pour le moins circonspect, et ce, pour deux raisons évidentes :
- Si c’est vrai, il y a sans doute plus de fantômes que d’Américains sur leur sol. Soyons honnêtes, il arrive que certains se sentent plus à poil sans flingue que… sans fringues.
- Il doit être très difficile de hanter Sarah Winchester sans avoir pris rendez-vous. Vous en conviendrez.
La solution d’après ce médium, un peu small pas trop large, serait d’entreprendre la construction d’une maison pour y perdre les esprits. Mais pas n’importe où… Sur la côte Ouest.
Comme quoi… la mort n’est pas incompatible avec l’amour des suspensions californiennes.
Prudence toutefois à lire les clauses en petits caractères…
Si la construction de la maison devait stopper, Sarah irait rejoindre ses embarrassants mais néanmoins invisibles « colocataires ».
Si j’étais complotiste, je penserais tout de suite à un coup des lobbys du BTP…
Forte de ces révélations salvatrices, elle se rend donc en Californie, dans la ville de San José et trouve une modeste ferme de 8 chambres et décide de se mettre à l’ouvrage immédiatement.
Elle embauche alors une quantité incroyable d’artisans, réquisitionnant tous les maçons, plombiers, couvreurs et autres charpentiers, de la ville.
Pendant les 38 années que durera la construction, c’est près de 800 ouvriers qui se relaieront pour que jamais ne s’interrompe ce chantier, et du même coup garder Sarah dans le monde des vivants.
De jour comme de nuit !
Les travaux ne cesseront jamais, à la grande curiosité des habitants de la ville et j’imagine… au grand dam de ses voisins.
Mais qui dessine les plans de ce gigantesque projet ?
Et bien c’est Sarah, elle-même.
Chaque nuit, elle s’enferme dans un bureau destiné à entrer en communication avec l’au-delà, pour dessiner les plans, qui, dit-on, sont transmis directement par les esprits.
Il s’agit là évidemment d’une rumeur qui n’a jamais été confirmée ou étayée par quelque document que ce soit, mais cela fait partie intégrante de la légende du « Manoir Winchester ».
Ceci explique que la baraque soit légèrement [insérer synonyme de tarée ici].
Chaque matin, Princesse Sarah apporte à son chef de chantier, les plans qu’elle aurait dessiné pendant la nuit, aidée par quelques entités spectrales (mais que j’imagine non qualifiés, ni certifiés donc bye-bye garantie décennale).
Le contremaître confronte souvent Sarah au principe de réalité, mais qu’à cela ne tienne, Sarah s’enferme de nouveau et corrige ses plans.
Mes petits tournesols au gingembre, j’aimerai que nous ayions une petite pensée pour cet artisan qui devait appréhender chaque matin de recevoir des plans inconcevables…
Donc 38 années durant, la maison sera saturée d’ouvriers, qui garderont de Madame Winchester, le souvenir d’une femme douce malgré sa forte personnalité mais surtout… généreuse.
En effet, le salaire des ouvriers était quasiment le triple du salaire habituel de l’époque.
Il est logique que si ta vie dépend de la poursuite de tes travaux, mieux vaut éviter une journée de grève.
La légende prétend que toutes ces aberrations architecturales auraient pour but de semer les esprits malveillants.
Si l’on en ignore l’efficacité sur les esprits, les ouvriers, eux, étaient tous munis d’une carte de la maison car il était humainement impossible de s’y repérer.
Enfin, sauf Sarah, qui d’ailleurs dort dans une chambre différente chaque nuit, toujours dans le but de gagner sa partie de cache-cache avec Casper.
Le 18 avril 1906, lors du tremblement de terre de San Francisco, toute une aile du manoir est dévastée. Qu’importe, Sarah n’en ordonnera même pas la rénovation. Elle semble plus préoccupée par l’extension de cette bâtisse que par son entretien.
Toutefois, certaines installations étaient extrêmement novatrices pour l’époque : Toilettes, douches chaudes, chauffage à air pulsé, des lumières à gaz avec bouton pressoir et même un ascenseur électrique fabriqué par Otis.
Esprits paumés peut-être mais équipés tout confort.
Les travaux ne cesseront qu’à la mort de Sarah, le 5 septembre 1922, qui s’éteint à l’âge de 83 ans.
Ses biens échouent donc entre les mains de sa nièce, qui devra employer près de huit camions par jour pendant près de 7 semaines, pour en déménager le contenu.
Mais sur le testament de Sarah, aucune consigne pour la maison.
Elle sera donc vendue aux enchères et transformée en attraction touristique dès 1923.
EPILOGUE
Aujourd’hui, elle fait partie intégrante du folklore des « Ghost Tours », avec son lot d’histoires étranges et de témoignages de visiteurs qui auraient vu, entendu ou senti quelque présence surnaturelle…
Mais plus intéressant, elle est classée « exception architecturale » au NHRP (Registre National des lieux Historiques), une sorte d’équivalent de notre Patrimoine Historique, même si cela reste un bien privé dont les revenus générés dépassent largement le coût de son entretien.
Si d’occasion vous passez en Californie, n’hésitez pas à entreprendre la visite de cette maison qui (si l’on met de côté les légendes, rumeurs et le côté lucratif) est une plongée pour le moins déconcertante dans la personnalité de Sarah Winchester.
Les visiteurs les plus rationnels parlent d’une incroyable sensation d’étrangeté, de jeux d’échelles et de perspectives, d’une perte totale de repères et de notion du temps.
Je rajouterai qu’elle est incroyablement belle avec son style résolument victorien… mais assurément tordu.
Pour conclure, je voudrais vous mettre en garde de ne pas faire d’amalgame avec la célèbre histoire de la maison d’Amityville dont l’équation serait :

Cet article étant à présent terminé, vous pouvez reprendre une activité normale.
Mais… pas avant de vous avoir distribué vos liens aux raisins de la semaine.
Etant donné le folklore paranormal de cette histoire, ils ne seront pas nombreux.
Chez Mama-Pitch, nous privilégions la qualité à la quantité.
C’est pour ça que nos liens sont élevés en plein-air, sans hormones ni antibiotiques.
La garantie d’une connaissance saine et… sans paraben !
Jasmine B. (Scaphandrière à Budapest)
LIENS :
Lecture :
- Je vous conseille d’aller jeter un oeil directement sur le site « Winchester Mystery House« , juste pour leur diaporama et les photos de la maison (d’une excellente résolution) :
- Un article de « Une brève histoire d’art » un peu plus fourni que notre pitch sur l’histoire de la maison : « Sarah Winchester et les architectes de l’étrange«
Video :
Je vous propose 2 vidéos de la chaîne YouTube « Le grand JD » : une visite de jour commentée par l’auteur, et l’autre une visite de nuit mais en 360° (avec un événement étrange).
A vous de voir celle qui vous convient le plus.
[NDLR : Ne vous laissez pas arrêter par son aspect « chasseur de fantômes », c’est un sceptique qui analyse de manière rationnelle)]
- Visite de nuit en 360° (durée : 8 minutes) :
- Visite de jour (durée 28 minutes) :
Audio :
- Un épisode de l’excellent Podcast « Nuit Blanche » dont l’enquête est bien documentée et surtout très exhaustive sur l’histoire de Sarah (durée : 1h25) : « Le manoir aux esprits »
- Un épisode du Podcast « True Story » (durée : 13 minutes) : « Winchester, la maison la plus délirante au monde«
Liens vers les réseaux d’Antonin Lantidote (notre talentueux illustrateur) :
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